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La Place des Abbesses est un peu le cœur de Montmartre, carrefour où se croisent quotidiennement parisiens et touristes.
Ce n’est donc peut-être pas par hasard que, dans un petit jardin de la Place (le Square Jehan Rictus) qui à première vue apparait comme tout à fait banal, se trouve ici depuis octobre 2000 le « Mur des je t’aime », œuvre insolite devenue aujourd’hui un véritable monument à la gloire des amoureux du monde entier.
Et quoi de plus normal à Paris, capitale mondiale du romantisme ?
311 « JE T’AIME » déclinés en 280 langues
Le « Mur des je t’aime », que vous pouvez découvrir en visitant le square Jehan-Rictus, est l’œuvre de Frédéric Baron qui a collecté lui-même au cours de différentes pérégrinations dans Paris plus de 1500 déclarations d’amour dans toutes les langues.
Vous y verrez en effet des « je t’aime » en anglais, chinois, français, mais aussi dans des dialectes rares ou oubliés comme le corse, le navajo ou bien même l’esperanto ! En tout, ce sont 311 « je t’aime » déclinés en 280 langues, assemblés ici grâce à l’aide de Claire Kito, artiste calligraphe.
La signification artistique du mur des « je t’aime »
Quant au mur qui sert de support à toutes ces déclarations amoureuses, il est constitué de 612 carreaux en lave émaillée sur une superficie de 40m2. Les éclats de couleur que vous pouvez apercevoir sur la fresque représentent les morceaux d’un cœur brisé qui, tous rassemblés, forment un cœur parfaitement composé.
Notez enfin que la symbolique du mur fut sciemment un choix de l’artiste. Le mur représente en effet dans notre imaginaire collectif un symbole de la division, voire de la séparation. Ici, Frédéric Baron a souhaité casser cette image en montrant qu’un mur pouvait aussi être un support aux plus jolis sentiments humains.
N’oubliez donc pas, si vous êtes de passage en amoureux à Paris et que vous vous promenez à Montmartre, de faire un crochet vers le Square Jehan-Rictus et le « mur des je t’aime » pour déclarer de manière insolite votre flamme à l’élu(e) de votre cœur !
Article paru dans Un jour de plus à Paris
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Ne soyez pas étonnés si en vous baladant au cimetière du Père Lachaise, vous croisez quelques jeunes femmes à califourchon sur l’une des tombes de la division 92… C’est celle de Victor Noir, qui n’aurait jamais pu imaginer un tel succès !
La mort injuste d’un innocent
10 janvier 1870… Yvan Salmon journaliste, dit Victor Noir, se présente au 59, rue d’Auteuil chez le prince Pierre-Napoléon Bonaparte, cousin taciturne et tête brûlée de l’Empereur. Il accompagne son confrère Ulrich de Fonveille. Les deux hommes sont là en qualité de témoin d’un certain Pascal Grousset, qui, s’estimant diffamé par un article signé du prince, souhaite le provoquer en duel.
C’était hélas sans compter sur l’impulsivité notoire de Pierre Bonaparte qui, fou de rage, s’empara d’un pistolet et tira sur Victor Noir qui n’avait rien demandé.
L’assassinat de Victor Noir © Vaillantitude
Le soulèvement d’un peuple
La mort brutale de ce jeune journaliste de 21 ans fut récupérée par tous les opposants au régime, comme le symbole de la répression impériale contre les libertés publiques. Pierre Bonaparte qui n’en est pourtant pas à sa première victime est sans surprise acquitté par la Haute Cour de Justice. Les Parisiens déplorent cette injustice et se réunissent en masse aux funérailles de Victor Noir (jusqu’ici inconnu au bataillon), le 12 janvier. Au total, plus de 100.000 personnes seront présentes au cimetière de Neuilly-sur-Seine pour honorer ce martyr.
Les obsèques de Victor Noir
Cet épisode – a priori de l’ordre du simple fait divers – marquera en fait, pour le Second Empire, le début d’un mouvement anti-napoléonien de grand ampleur, considéré comme l’un des éléments déclencheurs de la Commune de Paris de 1871.
Un symbole républicain
21 ans après sa mort, devenu un véritable symbole républicain, Victor Noir est transféré au cimetière du Père Lachaise. En 1891, le sculpteur Jules Dallou édifiera sur sa tombe un flatteur gisant de bronze d’un réalisme déconcertant. Encore en bon état aujourd’hui, on peut voir l’impact de la balle sur sa poitrine, les coutures de ses gants, le chapeau qu’il a lâché en tombant à terre… et un certain gonflement au niveau de la braguette.
Une tradition « nécro-romantique »
Il y a une cinquantaine d’années, deux jeunes étudiantes intriguées par la proéminence de l’attribut viril de cette tombe, décident de lancer la rumeur que s’y frotter favoriserait la fertilité (ou développerait les chances d’avoir un bon amant dans l’année, selon les croyances). Depuis, de nombreuses femmes tentent régulièrement l’expérience, en témoigne la lustration des parties intimes de la tombe.
© Christophe Mourthé, 2003 – modèle : Dita Von Teese
Article paru dans Paris Zig Zag
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« Sous le pont Mirabeau, coule la Seine », écrivait Guillaume Apollinaire à propos du célèbre fleuve parisien. Mais le mythique cours d’eau n’a pas toujours été le seul naturel à Paris ! Victor Hugo, en a même fait un poème : La Bièvre.
Charles Marville (1813-1879). « La Bièvre, Vème arrondissement, vers 1865 « Paris, musée Carnavalet. © Charles Marville / Musée Carnavalet / Roger-Viollet
La Bièvre suit son cours naturel en dehors de Paris mais a disparu de la capitale au début du XXème siècle. Pourtant, cette rivière de 36 km aussi utile que bienfaisante pour les Parisiens prenait sa source dans les Yvelines et se jetait dans la Seine, au niveau de la gare d’Austerlitz. Elle entrait dans Paris au niveau de la Poterne des Peupliers pour traverser les actuels XIIème et Vème arrondissements.
La Bièvre, porte d’Italie, à la sortie de Paris (XIIIème arr.), 1913. Photographie d’Eugène Atget (1857-1927). Paris, musée Carnavalet. © Eugène Atget / Musée Carnavalet / Roger-Viollet
L’usage de ce cours d’eau commence au XIème siècle lorsque plusieurs moulins à eau sont construits à ses abords. Puis, au XIVème siècle, ce sont les tanneurs et teinturiers qui s’installent sur ses berges.
Eugène Atget (1857-1927). Rue de Bièvre. Paris (Vème arr.). 1900. Paris, musée Carnavalet. © Eugène Atget / Musée Carnavalet / Roger-Viollet
En 1336, un décret oblige toutes ces activités (ouvriers et travailleurs) à s’installer hors de la ville. Ils se retrouvent tous dans le XIIIème arrondissement situé à l’époque hors de Paris, au-delà de l’enceinte Philippe-Auguste. Grâce à ces métiers, le quartier connaît une urbanisation rapide : en plus des moulins et autres, la Bièvre accueille mégissiers, cordonniers, blanchisseurs, tisserands ou la manufacture des Gobelins, encore visible aujourd’hui.
« Tanneries au bord de la Bièvre, vers 1865 ». Paris (XIIIème arr.). 1865-1868. Photographie de Charles Marville (1813-1879). Paris, musée Carnavalet. © Charles Marville / Musée Carnavalet / Roger-Viollet
Malheureusement, cette urbanisation excessive aura raison de la rivière puisque cette source d’eau potable devint un bourbier pollué et sale dans une période accablée par les épidémies. Ce sont les travaux d’assainissement et d’urbanisation du baron Haussmann au milieu du XIXème siècle qui achèveront définitivement le cours de la Bièvre à Paris. Elle fut alors bétonnée et enterrée.
La petite anecdote pour se la raconter en soirée
Au-delà d’aider au développement des moulins et autres manufactures, la Bièvre servait à rafraîchir les Parisiens avec des sorbets en été. Faute de savoir fabriquer la glace, on conservait celle de l’hiver dans des puits creusés dans le sol : les glacières. Elles étaient profondes de 5 à 12 mètres et en forme de cône renversé. La petite rivière traversait donc le 13ème arrondissement en se déversant dans les prairies inondables pour geler. Cette glace était alors cassée puis enfouie dans les fameuses glacières en couches alternées avec de la paille.
L’été venu, on la récupérait strate par strate pendant la nuit pour la vendre par bloc à des bourgeois, restaurateurs ou commerçants (poissonniers, crémiers) et évidemment aux glaciers qui la transformaient en sorbets !
La Bièvre (de la rue du Pont-aux-Biches). Paris (Vème arr.), vers 1865. Photographie de Charles Marville (1813-1879). Bibliothèque administrative de la Ville de Paris. © Charles Marville / BHdV / Roger-Viollet
Bords de la Bièvre (au bas de la rue des Gobelins). Paris (XIIIème arr.), 1865-1868. Photographie de Charles Marville (1813-1879). Paris, musée Carnavalet. © Charles Marville / Musée Carnavalet / Roger-Viollet
Article paru dans Paris ZigZag
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Au détour d’une balade dans le 13ème arrondissement, on ne peut décemment s’éviter un passage par la Cité florale. Ce hameau de petites maisons colorées, situé tout près du Parc Montsouris, est tout simplement unique en son genre à Paris ! Pour y accéder, il suffit d’emprunter la rue Brillat-Savarin au départ de la Place de Rungis, puis de prendre à droite sur la rue des Orchidées.
Ce micro-quartier, formant une zone triangulaire, est constituée de six charmantes ruelles pavées portant chacune le nom d’une fleur. De la rue des Glycines à la rue des Iris, en passant par la rue des Orchidées, chaque coin de rue nous transporte bien loin de la capitale. Agrémentées de petits jardins fleuris et arborés, les maisons qui composent la Cité florale forment un magnifique nuancier de couleurs pastel, à l’exception de l’une des demeures de la rue des Volubilis teintée d’un éclatant jaune orangé.
La rue des Glycines
Rien ne saurait donc entacher le charme et la quiétude de ce petit îlot résidentiel, si ce n’est les barres d’immeubles voisines qui pointent le bout de leur nez à la sortie. Il faut dire que le tour du pâté de maisons est vite fait ! Compter une quinzaine de minutes environ, ce qui laisse bien le temps de se promener et de prendre quelques photos.
Porche de la maison du 6, rue des Glycines
Pour la petite histoire, la Cité florale voit le jour en 1928, remplaçant un ancien pré régulièrement inondé par la Bièvre qui coulait tout près. Il était donc impossible d’y établir les traditionnels immeubles haussmanniens, lourds compte tenu de la configuration du terrain. Voilà pourquoi, ce quartier a été entièrement peuplé de maisonnettes et nous offre aujourd’hui ce véritable village dans la ville !
Charmante demeure dans la rue des Iris
La maison jaune vif de la rue des Volubilis tranche avec les demeures environnantes aux teintes plus pastel.
Informations pratiques :
La Cité florale – Rue Brillat Savarin, 75013
Maison Blanche (ligne 7) ou Glacière (ligne 6)Article paru dans Paris Zig Zag
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Aujourd’hui, la ville de Paris ne compte pas moins de deux îles naturelles, l’île de la Cité et l’île Saint-Louis, auxquelles s’ajoute une île artificielle : l’île aux Cygnes. Toutefois, on oublie souvent qu’autrefois, d’autres îles ont existé au sein de la capitale. Parmi elles, l’île Louviers dont on se propose de retracer l’histoire dans cet article…
De l’île aux Javiaux à l’île Louviers
En amont de l’île Saint-Louis, entre le quai Henri IV et le boulevard Morland, l’île aux Javiaux était une sorte d’amas de sable et de limon (le « javeau »), amenés par la Seine et la Bièvre. Au début du 15ème siècle, elle prend le nom de Nicolas de Louviers, le prévôt des marchands (dont la fonction était proche de celle d’un maire aujourd’hui), qui en avait la jouissance.
Ancien plan de l’île Notre-Dame (actuelle île Saint-Louis)
L’entrepôt des marchands de bois
Lorsque la Ville de Paris la rachète en 1700, l’île Louviers est simplement couverte de pâturages. On décide alors de la louer à des marchands de bois qui s’en serviront comme lieu de stockage. Les Frères Savary nous en donnent un aperçu dans le « Dictionnaire universel de Commerce » (1750) :
« Les marchands de bois – outre les chantiers attenant leurs maisons, qu’ils ont en plusieurs lieux de la Ville de Paris, pour les bois légers -, ont aussi un lieu au-dessous de l’Arsenal, au bout du quai des Célestins, où ils font aborder et gardent les bois carrés trop pesants et trop incommodes pour être transportés ; comme sont les poutres, poutrelles, poinçons, pannes, chevrons, sablières, etc. Ce lieu s’appelle L’Île Louviers. On y entre par un pont de bois, qui porte, d’un bout, sur le bas du quai des Célestins et, de l’autre, sur l’île. »
Île Louviers, Plan de Jaillot, 1775.
Une île aujourd’hui disparue
Dans les années 1840, sur ordre du roi Louis Philippe, le bras de la Seine qui sépare l’île Louviers de la rive droite est comblé et le pont de Grammont qui les reliait est détruit. On peut néanmoins le découvrir dans un tableau d’Antoine Perrot, situé au musée Carnavalet. Quant à l’île elle-même, on devine ses contours sur les vues aériennes de Paris !
Détail du tableau d’Antoine Perrot : vue de l’île Louviers ; effet de neige (1830), Musée Carnavalet.
Article paru dans Paris Zig Zag
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